Soli-dons, une histoire de dons, de partage, d’entraide pour une société plus inclusive

A Genappe deux associations œuvrent en soutien des personnes et familles en situation de précarité. L’association Saint-Vincent-de Paul, présente à Genappe depuis plusieurs décennies et plus récemment Soli-dons.

Fortement interpellé par l’augmentation de la précarité en général et sur le territoire de notre commune en particulier, c’est donc avec grand intérêt que nous avons sollicité une rencontre avec le représentant de l’ASBL Soli-dons, Guillaume Henin.

Cette association distribue des colis alimentaires aux plus démunis dans plusieurs communes du Brabant Wallon, dont Genappe.

Guillaume Henin est le coordinateur de l’asbl  depuis 2023. Il va bientôt habiter Vieux-Genappe et est un jeune papa comblé.

Guillaume Henin, la lutte antigaspi comme base de la solidarité 

J’ai une formation d’urbaniste (Ceria, Bruxelles). J’ai travaillé pour Bruxelles Environnement via le CPAS d’Ixelles et aussi à la Fédération des Services Sociaux. J’ai aussi suivi une formation de maraîcher. Le thème du gaspillage alimentaire a motivé mon activité professionnelle. Je travaille à Soli-dons depuis 2022.

Historique de Soli-dons

Soli-dons est issu de l’initiative de l’asbl Les Quatre Vents, à Nivelles, qui héberge des sans-abris. La collecte alimentaire a débuté en 2O14, suite aux besoins manifestes des Quatre Vents.

En 2018,  la demande extérieure et le problème du gaspillage alimentaire ont été les fondements de l’asbl Soli-dons.

La ville de Nivelles nous a mis une petite maison à disposition pour nous permettre de  réaliser cette activité, qui s’est élargie aux cercles sociaux de Nivelles, explique Guillaume Henin.

Il s’agissait donc de récolter les produits frais dans les surplus des grandes surfaces. En 2020, le projet s’est aussi établi à Genappe, à la demande du CPAS. La donnerie alimentaire s’est rapidement élargie à Seneffe, Ittre, Rebecq et Villers La Ville sous la forme d’une convention entre les différents CPAS et l’asbl.

Actuellement,  Soli-Dons dispose de locaux à la Ferme du Passavant pour le traitement des surplus alimentaires.

Comment s’organisent les collectes de surplus alimentaires? 

Les collectes sont organisées tous les matins, de 8h à 10h, dans huit supermarchés et grossistes de la région. Nous récupérons approximativement 500 kilos par jour.

Ensuite nous trions les dons pour confectionner les colis qui seront alors acheminés aux CPAS une fois par semaine (sauf à Nivelles 5x/sem), chaque CPAS ayant son jour de réception et redistribution aux bénéficiaires.

Nous distribuons une trentaine de colis quotidiennement; une  quinzaine de colis sont distribués une fois par semaine au CPAS de Genappe. La valeur d’un colis se situe entre 60 et 80 euros. Des denrées sont aussi distribuées en dehors du cadre du CPAS (par exemple, à l’association Saint Vincent de Paul).

Une plateforme d’aides alimentaires s’est aussi développée avec d’autres associations actives dans ce secteur. Une redistribution est faite avec ces associations. Nous faisons l’impossible pour revaloriser tous les dons alimentaires.

L’équipe de  Soli-dons est composée de deux salariés, de quatre personnes sous contrat de réinsertion et d’un ou deux bénévoles pour les coups de main complémentaires. Nous rencontrons des difficultés pour “engager” des personnes bénévoles.

Depuis 2022, les bénéficiaires  paient 2€ par colis après deux mois de colis gratuits. C’est important qu’ils contribuent de cette manière à l’acquisition de leur alimentation. Les CPAS ajoutent 4€ par colis. Ce qui permet à notre asbl de couvrir une partie des frais de fonctionnement.

Quelles sont les observations et souhaits pour ce secteur?

J’observe une dégradation évidente ! Le nombre des demandeurs augmente. Nous refusons quotidiennement des demandes de colis !

Les demandes de colis ont doublé. L’aide dure 7 à 8 mois pour un bénéficiaire afin de permettre un roulement parmi les usagers.

Le colis est considéré comme un complément au RIS (Revenu d’Intégration Sociale) À Genappe, 180 personnes en sont bénéficiaires.

Une personne sur 5 est en situation de précarité. Les personnes n’ont plus assez de pouvoir d’achat.

La sécurité sociale de l’alimentation est un projet d’élargissement de la Sécurité sociale qui se réfléchit au niveau régional. Il faudrait aussi relever le RIS au-dessus du seuil de pauvreté.

Que faire au niveau communal ? Quels leviers législatifs ?

Une première mesure structurelle serait l’interdiction du gaspillage alimentaire. Sur la base de l’exemple de Herstal, il faudrait pénaliser/interdire le gaspillage alimentaire dans la commune. A Herstal, tout nouveau permis de surface commerciale exige l’obligation de donner les invendus à des associations.

Guillaume Henin  souligne la difficulté à faire des prévisions budgétaires à long terme pour le fonctionnement de l’association étant donné la dépendance aux différents subsides. Nous pourrions être amenés à fermer l’association assez rapidement; nous devons disposer d’une vision budgétaire à plus long terme.

Et à Genappe que mettre en place ?

Le CPAS de Genappe devrait avoir davantage de moyens financiers. Il faudrait, par exemple, augmenter la participation financière du CPAS par colis de 6 à 10 Euros.

Il faudrait aussi inciter aux dons (de qualité) des commerçants : un don de qualité présente une date de péremption à 3 jours.

Le tri des biodéchets devient une obligation pour les supermarchés en 2024.  Des asbl comme la nôtre risquent de pâtir de cette mesure qui toutefois est une mesure “juste”.

Dans pareil contexte, il faut se défaire d’une aide alimentaire dépendante exclusivement de l’industrie alimentaire et relocaliser la production alimentaire avec des formateurs en réinsertion (voir l’expérience de Seneffe avec le  CPAS).

La qualité des surplus diminue également. Il faudrait monter une ceinture alimentaire localisée ,au niveau du Brabant Wallon, pour avoir une meilleure qualité alimentaire.

Une épicerie sociale aurait tout son sens avec l’aide du CPAS.

Concernant notre asbl Soli-dons, une augmentation du coût versé par le CPAS  pourrait mieux soutenir notre action, confirme donc Guillaume Henin.

En conclusion…

Pour Guillaume, si le CPAS témoigne de beaucoup d’écoute au niveau de l’accompagnement social, d’autres enjeux sont là et doivent être pensés et considérés. Parmi ceux-ci la lutte contre le gaspillage alimentaire doit être pris à bras le corps par tout le monde y compris par les acteurs politiques! On doit tout entreprendre pour que des liens se retissent entre les personnes précarisées, le monde de l’emploi, les services existants, le monde politique…

Et, pour notre groupe politique, cette rencontre avec le coordinateur de Soli-dons confirme que le vivre dignement ne va pas de soi. Il s’agit de re-questionner le rôle et le pouvoir tantôt des communes, tantôt des CPAS. C’est tout le “collectif” qui doit bouger, évoluer. Pour cela il s’agit de repenser notre rapport à l’Autre, combattre des cloisonnements. N’est-il pas révoltant qu’à Genappe aussi des personnes doivent choisir entre se chauffer, se soigner et manger ?

Dans la foulée, n’est-il pas insupportable de savoir qu’en Wallonie un enfant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté avec toutes les répercussions que cela engendre sur sa scolarité, sa vie sociale, son bien-être ? Ce sont des chiffres dramatiques auxquels nous nous sommes malheureusement habitués, chiffres dont des asbl comme soli-dons s’emparent. Les pouvoirs en place doivent se mettre autour de la table et réfléchir avec tous les acteurs de terrain à une autre façon de faire société et de faire sens.  Ces asbl remettent la question de la précarité au cœur de nos priorités. Nous les en remercions.

 

Marie Degreef, Philippe Michaux et Anne Beghin