Selim Deweerdt, être boucher aujourd’hui

Les salaisons du Lothier ont de longues années devant elles !

 

D’entrée de jeu on sent ce jeune boucher bien ancré, enthousiaste, généreux, déterminé et vrai.
Ce qui se traduit au niveau de son activité par des convictions, un engagement, énormément de travail et des perspectives d’avenir en lien avec des enjeux fondamentaux.

Un parcours atypique pour une formation solide et diversifiée

Aux termes de 2 années d’étude en sciences politiques, Selim décide de se réorienter et de s’intéresser aux métiers en pénurie. Parmi ceux-ci les métiers de bouche, de l’Horeca et de l’alimentation. Selim s’oriente vers la boucherie et tombe littéralement amoureux de ce métier. Sa formation en IFAPME à peine terminée, il entame alors plusieurs années d’expériences pratiques : 3 années au sein d’une boucherie bio de Namur -sa ville d’origine- un plan Erasmus chez un boucher artisanal à Perpignan, puis quelques temps comme boucher volant pour une société d’interim. Ce qui lui permet de démultiplier les expériences dans différentes structures (abattoirs, grandes surfaces, usine, etc.).

D’Albert à Selim… continuité et innovation

Selim se décrit comme impulsif, enthousiaste, hyper actif et fonceur. En 2019 le voilà donc à son compte. Il reprend les salaisons du Lothier, en plein cœur de Genappe, maison de renom aussi appelée « boucherie Motte ». Albert Motte souhaitait que son successeur poursuive son travail artisanal. C’était peu dire… Non seulement Selim travaille de manière artisanale mais aussi de la manière la plus naturelle possible (méthode bio). Il exclut ainsi de toutes ses préparations colorants, exhausteurs de goût, nitrites et autres sulfites. Ainsi à titre d’exemple pas de phosphate et moitié moins de sulfite dans les jambons. Et avec son large sourire « C’est si un produit ne change pas de couleur qu’il faut s’inquiéter ». « Certains de ces additifs retiennent l’eau : les jambons en contenant contiendront plus d’eau que de viande, cela augmente donc les bénéfices des industriels.»

Selim ne travaille pas 100% en bio et ses pièces de viande, au départ, ne le sont donc pas toujours. C’est un choix qui lui permet de pouvoir proposer ses produits au plus grand nombre, de rester une boucherie de proximité, de quartier et accessible. « Je ne voulais pas exclure certains clients à cause de prix trop élevés induits par le bio ».

Selim un boucher belge, proche, local

Tous les fournisseurs de Selim sont belges et parfois locaux (entendez de Genappe) comme ses volailles achetées directement  à la coopérative glabaisienne « Terres de la Cala ».

Selim et son équipe – ils sont 5 au total – font tout eux-mêmes et le comptoir de la boucherie est à l’image de Selim : il « bouge » beaucoup, présente beaucoup de diversité. Toutefois certains produits restent des produits phares comme le pâté, les boudins et salaisons en général. Sans oublier des produits devenus traditionnels depuis l’époque d’Albert Motte : « j’ai gardé ses cordons bleus et ses hamburgers de veau ». Coté hamburgers, il en propose aussi un de bœuf maturé au bleu qu’il achète à la fromagerie de Genappe « Le Chai et la Souris ». En 3 ans, Selim a su ainsi faire sa place et se créer son réseau local travaillant donc avec Terres de la Cala, Le chai et la Souris ou encore la boulangerie Gossiaux pour ne citer qu’eux.

« Si je fais le choix de travailler 100% belge c’est avant tout par préoccupation écologique. Il va falloir arrêter les importations à tout va de viandes et autres produits alimentaires ; mais aussi l’élevage intensif. Éthiquement ces pratiques sont une catastrophe et un non-sens », explique-t-il.

Selim, 12h/jour, 70 h/semaine

On le comprend aisément travailler artisanalement et de manière naturelle avec des matières premières fraiches exige rigueur, soin et proactivité. Depuis peu Les salaisons du Lothier n’ouvrent plus que les mercredi-jeudi-vendredi et samedi. Les lundi et mardi sont consacrés à la transformation et la production sans oublier l’administratif.

Avenir et perspectives

Dans un avenir proche Selim va agrandir la partie-commerce de son établissement. Au-delà de ces changement matériels d’autres sont envisagés sérieusement. Avec les crises multiples (post-covid, Ukraine, climat), il est possible que les consommateurs changent leurs habitudes, mangent moins… se restreignent : « Il va falloir s’habituer à manger moins ».  « Et il va falloir aussi intégrer davantage les flexitariens voire aussi les végétariens dans les clientèles des boucheries ». Selim s’apprête d’ailleurs à fabriquer des produits comme des brochettes de légumes ou encore des hamburgers végétariens.

Et Genappe dans tout ça ?

Si Selim est surpris par le nombre d’initiatives locales et le dynamisme du centre-ville – il n’hésite d’ailleurs pas à apporter son soutien par exemple au Groupe Genappe Solidaire (soutien aux migrants) en leur vendant de la viande à prix de gros – il regrette le manque de verdure, de végétation, de parcs, d’infrastructures pour les piétons ou la mobilité douce : « Ce n’est pas agréable de se promener dans le centre. Les trottoirs sont étroits. En plus les façades sont parfois sales et généralement peu fleuries. Il manque clairement de parcs et éventuellement de parcs à chiens. » exprime celui qui y vit depuis 3 ans. Selim souligne aussi que, à part le Skate parc, la manque d’infrastructures extérieures pour les enfants et adolescents est criant.

Il attend beaucoup de la rénovation de l’ilôt Mintens, avec pourquoi pas des parkings souterrains, une signalétique contemporaine et des couleurs. La ville devra alors soutenir financièrement tout cela.

Si le marché des producteurs locaux est une belle initiative qui lui permet de se faire connaitre et de faire sa promotion directement, Selim regrette deux mauvais signaux adressés par les autorités aux commerces locaux. Tout d’abord pourquoi avoir accepté (ou ne pas avoir empêché) que la chaine des boulangeries « Louise » s’installe sur le site de la rue des Lillas. Une boulangerie même industrielle reste un commerce de proximité et le centre de Genappe en compte déjà deux. Ensuite, le colis offert aux seniors est très contradictoire avec une politique qui se veut soutenante pour les producteurs locaux. En effet, ce n’est pas tant le colis mais son contenu qui pose question. Il ne contient que des produits de la grande distribution, souvent low cost par ailleurs.

Enfin Selim et sa femme se voient dans un avenir proche contraints d’installer leur foyer ailleurs qu’à Genappe. Non seulement le manque d’espace vert ne leur convient pas mais les prix de l’immobilier y sont excessifs et donc inaccessibles pour les jeunes couples.

En conclusion, nous pouvons dire qu’avec sa démarche éthique-locale-durable, son caractère enthousiaste, volontaire et sa vision de l’avenir Selim Deweerdt fait assurément partie de ceux et celles qui pensent et créent l’avenir de Genappe. Au bénéfice de la cohésion des commerces et producteurs locaux, de la relocalisation alimentaire et au bénéfice des habitant.e.s. Merci Selim !

 

Anne Beghin