Marie-Eve et Damien Vermeiren de la ferme de Bousval

Interview recueillie par Olivier Fievez et Thierry Ferracin

Lors de notre conférence “Relocalise moi” de septembre 2021 (https://genappe.ecolo.be/conference-debat-le-24-septembre-au-monty-relocalise-moi-ou-lindispensable-rencontre-des-ecologistes-et-des-agriculteurs/) consacrée à la relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation, le doyen de la faculté d’agronomie de l’UCLouvain Philippe Baret avait insisté sur la multiplicité des modèles agricoles vertueux.   En particulier l’action des agriculteurs plus traditionnels est essentielle pour faire évoluer dans le bon sens le monde agricole.

C’est dans ce cadre, qu’il nous a semblé important d’interviewer les agriculteurs de la ferme pédagogique de Bousval.

Marie-Eve et Damien nous ont reçus en soirée chez eux au cœur de la ferme autour d’une bonne bière.  Leur accueil est chaleureux, leurs jeunes enfants jouent pendant qu’un repas mijote.  La journée de boulot se termine et on se pose.  La gestion d’une ferme, plus qu’un travail, est un choix de vie, une présence de tous les jours et de toutes les heures. Et comme beaucoup d’agriculteurs, Marie-Eve et Damien sont “tombés dedans quand ils étaient petits”.  Si Damien a repris la ferme de ses parents ici à Bousval, Marie-Eve est elle-même une “fille de la ferme” avec des parents agriculteurs en tradition laitière à Ath.

Diplômé d’un graduat en technique gestion agricole et d’un master en ingénieur industriel en électromécanique, à la sortie de ses études, Damien n’avait qu’une envie de reprendre la ferme familiale. De son côté, Marie-Eve est pharmacienne avec un master de spécialisation en pharmacie hospitalière et a pratiqué de nombreuses années en tant que directrice de pharmacie dans deux hôpitaux montois. Elle n’a laissé cet emploi que très récemment pour rejoindre à temps plein Damien dans la gestion de la ferme, pour retrouver une vie de famille équilibrée et voir grandir ses trois enfants.

Travailler côte à côte, s’épanouir pour un projet commun est devenu leur art de vivre. La répartition des activités s’est faite naturellement. Lui, il s’occupe du bétail, de la gestion des terres ainsi que de l’organisation des activités pédagogiques. Elle, elle se consacre à la valorisation du lait en produits finis et de leur vente. En parallèle, elle suit une formation en collaborateur en circuit court. Des nouveautés seraient au programme !

Une diversification nécessaire et réussie

Outre les activités traditionnelles d’élevage et de cultures, la ferme s’est diversifiée dans la transformation du lait de vache et dans les activités pédagogiques. Cette diversification était déjà présente du temps des parents de Damien et elle avait permis de sauver la ferme il y a quelques décennies.  Marie-Eve et Damien ont maintenu et renforcé cette dynamique.

Aujourd’hui, la traite journalière de 15 vaches montbéliardes et normandes permet de produire du lait qui sera entièrement transformé en beurre, fromage à pâte dure, en fromage frais nature et épicés, yaourts et glaces. Les canaux de distribution de ces produits sont multiples.  D’une part, ils sont vendus directement au magasin de la ferme, d’autre part une partie de la production transformée est vendue dans les commerces de la région (à la supérette de Bousval, chez les Cocottes en ribote, au Proxy de Sart Messire Guillaume, à la Fontenelle, chez quelques restaurateurs dont “Une autre époque”…). Leurs produits sont également disponibles grâce à la plateforme de développement des circuits courts “Made in BW” mise sur pied par la Province.  Elle permet moyennant une marge prise par la plateforme, de distribuer leurs produits dans des magasins et des supermarchés de la province. Il est également possible de goûter directement à la ferme leurs produits à l’occasion de brunchs bucoliques.

A côté de la production et de la vente de produits artisanaux, la ferme organise des animations pour les enfants. C’est l’occasion “d’apprendre la vie à la ferme tout en s’amusant” lors de stages pendant les vacances, de journées avec l’école ou lors d’un anniversaire.

Deux modes de gestion de culture sur la ferme

Une partie de l’exploitation a récemment été convertie en agriculture biologique. Il s’agit de prairies permanentes et de prairies temporaires riches en légumineuses fourragères (diverses variétés de trèfle, luzerne,…) qui sont destinées à alimenter le bétail. L’objectif final est de produire un lait bio.

Le reste de l’exploitation concerne des terres de culture type céréales, maïs, pomme de terre… L’objectif, à moyen terme, est d’arriver à les gérer sur un modèle de conservation des sols. Ce modèle est basé sur trois piliers principaux. Le premier est la couverture permanente des sols. Le deuxième est l’allongement de la rotation des cultures afin de limiter les adventices et maladies. Le dernier est un arrêt de travail progressif du sol pour favoriser la vie microbienne. De cette manière, Damien espère limiter l’érosion des sols et augmenter la rétention en eau afin de rendre plus résilient le sol face aux aléas climatiques.

Agriculteurs à Genappe

Marie-Eve et Damien se sentent bien à Genappe et ont le sentiment d’être entendus.  A chaque édition, ils participent au marché des producteurs locaux perçu comme une initiative positive de revalorisation des producteurs et artisans locaux.

Interrogés sur un projet de halle permanente des producteurs, ils se montrent intéressés et ouverts à la participation dans la création du projet. Pour eux, la commune de Genappe est riche par la présence diversifiée de producteurs, créateurs, artisans… Ceci doit être mis en valeur et l’accès pour le consommateur facilité. La halle serait un espace citoyen ayant des synergies valorisant durablement le développement social, personnel et économique de la commune. La halle favoriserait les relations intergénérationnelles et égalitaires, serait conçu pour la population et soutiendrait au maximum la paysannerie et l’artisanat de la commune sans profit aux investisseurs appâtés par le gain. De nombreuses halles ont fleuris ces dernières années (Agricovert à Gembloux, Agricoeur à Gosselies, Paysans Artisans dans le Namurois, halle du terroir à Mouscron..). Rien dans le Brabant Wallon actuellement, alors pourquoi pas innover à Genappe ?

Marie-Eve et Damien prônent une ouverture d’esprit dans leur façon de travailler dans le milieu agricole.  La reconversion totale pour eux n’est pas une priorité absolue mais ils sont toujours à l’affut de nouvelles techniques de travail pour une approche toujours plus en adéquation avec l’environnement qui les entoure.

 

Thierry Ferracin, co-président
Olivier Fiévez, conseiller CPAS