Après 12 ans au conseil communal, Anne Beghin ne se représente pas aux élections communales d’octobre 2024
J’ai suffisamment dit ce que j’avais à dire. J’ai fait ce que j’avais à faire. Je passe le flambeau.
Endéans deux législatures j’ai été une citoyenne-conseillère communale et cheffe de groupe au conseil. Ces 12 dernières années ont représenté beaucoup pour moi. J’ai appris beaucoup de choses, j’ai partagé des moments forts avec mes amis et amies de lutte pour une commune plus solidaire, plus verte, davantage ancrée dans le réel et les crises tant énergétique qu’environnementale ou encore agricole. J’ai réfléchi, je me suis investie. Comme beaucoup d’autres mandataires, toutes forces politiques confondues, que je remercie infiniment pour leur engagement.
En tant que conseillère communale, j’espère avoir démontré mon enthousiasme et ma détermination à faire bouger les choses. Je me suis intéressée à quasi toutes les matières communales.
Dès le début, j’ai demandé la création d’une commission enseignement. Parce que je souligne des innovations possibles, je fais des propositions pour que la commune se choisisse une ligne de conduite plus contemporaine au profit des différents acteurs de l’école. Persuadée de l’importance d’une école conviviale, amicale, intégrée dans son environnement, égalitaire, je souhaite aussi que Genappe s’investisse davantage dans le soutien des enfants en difficultés scolaires ainsi que dans l’intégration des enfants dits « différents ». La commission a été mise en place pour être refermée quelque temps plus tard…J’ai soutenu le projet d’école secondaire en pédagogie active NESPA. J’ai demandé la mise en place d’un vaste plan de parrainage des enfants durant les étés de la période Covid (refusé) ; j’ai relayé la détresse des jeunes durant cette même période.
A mon initiative, Genappe a rejoint le réseau des communes et provinces « Territoire de mémoire ».
J’ai essayé, en vain, de faire comprendre que les 30.000 euros annuels dépensés au profit du colis senior devaient être consacrés à un vrai plan de lutte contre l’isolement des seniors ou, si ce colis reste un indispensable, qu’il soit alors constitué de produits de notre terroir plutôt que de produits de la grande distribution (refusé).
J’ai demandé la création du Groupe de Travail Commune Hospitalière ou encore la réalisation de l’enquête seniors. J’ai porté avec mon groupe un plan communal de biodiversité (refusé), j’ai fait partie de celles et ceux qui ont « expulsé » Sodexo des cantines scolaires au profit d’un fournisseur plus local et plus éthique. Avec Ecolo Genappe, nous avons initié « Genappe presque zéro déchet », projet ambitieux auquel les autorités n’ont malheureusement pas souhaité donner de réelle suite.
Je me suis investie dans les commissions agriculture et seniors.
Toutefois, en l’espace de 12 ans, malgré les demandes, recommandations et interpellations répétées de mon groupe politique, trop de questions et de problèmes sont restés sans réponse dans des domaines qui ne peuvent se permettre ce luxe: les énergies renouvelables, dont l’éolien ; un plan climat qui ne décolle pas vraiment, avec une réduction des gaz à effet de serre – à Genappe- qui est bien en deçà des objectifs européens ; l’absence persistante d’un projet de Maison de repos et de soins publique, malgré les promesses et les besoins ; un l’îlot Mintens toujours à l’abandon ; la transition agricole et alimentaire ; les enfants en situation de précarité ; la réduction des déchets, etc.
Je comprends mal ce « silence » de la majorité à Genappe concernant les crises climatiques, énergétiques et environnementales pourtant des questions de société fondamentales et préoccupantes touchant absolument tout le monde.
Est-ce du désintérêt ? Du déni ? Ou tout simplement leurs préoccupations politiques sont-elles ailleurs ? Au citoyen, alors que le moment d’exercer son droit de vote se profile à l’agenda de cette année 2024 – et cela n’arrive qu’une fois tous les six ans – d’agir en conscience, sinon à Genappe l’histoire ne fera que se répéter. Sur toutes ces réalités, en 12 années j’ai dit ce que j’avais à dire. Je passe le flambeau. Naïvement, j’aurais espéré qu’il ne faille pas se battre autant pour protéger l’avenir des générations futures. Il est temps pour moi de me réoxygéner, de nourrir mes luttes plutôt que de les défendre là où elles trouvent si peu d’écoute.
J’arrête parce que le pouvoir à Genappe se fait en vase clos, dans un entre-soi peu perméable aux autres et à la diversité des réalités vécues par les habitant.e.s.
Je ne me présente donc pas aux élections d’octobre prochain. Ce choix difficile est réfléchi et a longuement muri en moi. A Genappe, nous sommes dirigés à quelques exceptions près par une même majorité depuis trente-cinq ans. Trente-cinq ans de pensée unique et libérale. Une telle longévité nourrit inévitablement et malheureusement l’entre-soi, le repli sur soi, une certaine autosatisfaction et, en définitive, l’immobilisme. Sans alternance, en situation de majorité absolue, comment d’ailleurs pourrait-il en aller autrement, quelle que soit la force politique en place ? Si je pointe souvent cet immobilisme, ce n’est pas que les élus ne font rien, certainement pas.
Toutefois, ils semblent refuser de questionner les projets que nous, écologistes, défendons le plus objectivement possible en vue d’une commune en phase avec les réalités d’aujourd’hui et mieux préparée aux défis que nous imposent notamment le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité, deux enjeux majeurs de notre époque.
Je souhaiterais que Genappe soit prête à s’adapter aux changements qui s’imposent à nous.
Aujourd’hui Genappe n’est pas prête. Je souhaite une écologie politique qui ne laisse personne de côté, une écologie qui combat les cloisonnements et les murs, qui s’attaque aux causes des problèmes, et qui pense l’avenir aussi à partir des enfants. Enfin, « Think globally, act localy !» : à Genappe, ce slogan ne reçoit aucun écho. Si aucun reproche n’est réellement à faire concernant la gestion quotidienne et administrative, ce qui est rassurant, je le reconnais très volontiers, aujourd’hui… cela n’est, en politique, plus suffisant. L’ambition et la volonté politiques doivent être au rendez-vous de notre époque qui comme le souligne une célèbre émission francophone est à un tournant.
Ainsi, je ne peux me satisfaire de ce qui a été réalisé. Je regrette surtout ce qui ne l’a pas été. Parfois parce que l’actualité ne le permettait pas, mais trop souvent, je le pense, par manque de courage, de créativité, de vision du groupe majoritaire et d’écoute de l’autre. Je regrette que ce groupe rejette si souvent et avec une arrogance déconcertante les propositions émanant de citoyens comme de l’opposition. Avec des arguments sommaires, expéditifs, désarmants parfois, tels que « C’est non », « On n’a pas envie » ou encore « C’est le fait du prince ».
Ces refus peu argumentés, et à la longue éprouvants pour le moral des plus motivé.e.s, sont surtout inquiétants parce qu’ils témoignent d’une évidente difficulté de la majorité à écouter, à coopérer, à se remettre en question, à se renouveler…la renforçant dans ses certitudes. Or, les certitudes ne sont-elles pas dangereuses ? Aujourd’hui, ce climat ne me permet personnellement plus de me projeter davantage dans notre politique locale peu constructive.
Notre groupe, bien que dans l’opposition, réalise un travail important et continu. Mais, nos propositions se heurtent à des portes closes et lorsque la porte semble s’être ouverte, ces propositions sont récupérées et parfois tellement vidées de leur essence que c’en devient inutile.
Face à tant d’autorité et d’adversité, il m’arrive de douter. Il m’arrive en effet de douter de la capacité des élus de la majorité à tenir compte de l’avis et des demandes des citoyens comme des recommandations des élus d’autres forces politiques qui les représentent démocratiquement. A l’avant-veille des élections et suite aux diverses annonces, je doute d’une volonté à se renouveler. Et je comprends difficilement ce manque de volonté à une époque où nous devons mettre toute notre énergie à rendre possible l’avenir. Et ce d’autant plus que les experts le répètent 60% des changements nécessaires se feront au niveau local ! Je me demande ce qui arrive au collectif quand il y a trop d’orgueil et d’ego en jeu et que les individualités prennent le dessus sur la gestion collective. Tel cet adage bien connu, j’ai toujours cru qu’ensemble on est plus fort… Mais aujourd’hui il n’y a pas d’ensemble à Genappe, il y un monde politique polarisé.
J’arrête la politique communale, convaincue que le pouvoir doit changer de main dès octobre 2024 et tellement désolée de voir que tout est mis en place pour l’inverse. J’ai besoin d’une pause. Dans ce contexte, je préfère passer le flambeau à d’autres personnes de mon groupe, d’autres personnalités avec d’autres expériences, d’autres compétences et d’autres énergies. Je les soutiens et les soutiendrai, et resterai disponible. En vert et contre tout, notre groupe Ecolo Genappe sera prêt et solide. Je suis fière de la liste que nous, écologistes, sommes en train de constituer, des candidat.e.s que nous rassemblons et fédérons. C’est le parti de l’espoir, un des seuls peut-être qui aille chercher du côté des utopies, de l’audace, de la rupture avec le « business as usual ».
Il est temps… Il est grand temps que cela change. J’en appelle à un réveil citoyen.
Je compte sur les citoyens et sur leur propre force de conviction voire leur sens des responsabilités. A une époque où l’on constate un éloignement de la politique voire un dangereux rejet de celle-ci… Force est de constater qu’à Genappe cette distanciation est optimisée (Cfr nouveau refus des diffusions du conseil communal en ligne en février dernier). J’espère que nous venons de vivre la dernière législature d’une majorité divisée et qui semble à bout de souffle. C’est aussi avec les citoyens que nous pouvons réussir. J’ai juste envie de leur dire : suivez-nous, parlez de nous, faites circuler les infos, soutenez-nous, affichez-nous !
Aux termes des élections communales, la catastrophe ne serait-elle pas que les choses continuent comme avant alors que sortir de l’immobilisme n’est plus une option.
Et comme le disait Margaret Mead, « Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde, car historiquement, c’est toujours de cette façon que le changement s’est produit ». Depuis 2006, à Genappe, ce petit groupe de citoyen.n.e.s écologistes n’a de cesse de s’agrandir tant au conseil communal qu’au conseil de l’action sociale. Les changements climatiques et environnementaux s’aggravent et, en même temps, on constate un rejet des politiques écologistes. C’est un non-sens dangereux pour les générations futures et l’ensemble du vivant. Bien entendu, la baisse du pouvoir d’achat et les multiples crises mettent en difficulté les citoyens, tentés de revenir à des réflexes de consommation encouragés par le marketing des produits industriels et alimentaires low cost, non durables ni respectueux de l’humain et de la planète, et tentés aussi de reconduire des politiques conservatrices, car le changement est évidemment source d’inquiétude.
Mais, l’inquiétude ne devrait pas venir du changement, au contraire. L’inquiétude devrait plutôt venir de l’immobilisme. Avec ce risque de ne pas changer de trajectoire… de continuer tout droit et louper le tournant. Or notre commune, aux potentialités multiples, mérite mieux que le conservatisme. A Genappe ce sont bel et bien les citoyens qui ont le choix d’ouvrir ce champ des possibles, et ce dès octobre prochain.
J’en appelle alors à un réveil des citoyens de Genappe. Se rendre compte qu’une partie importante des candidat.e.s de la liste MR-les Engagés se présentent pour la énième fois. Après autant de temps, ne devient-il pas difficile de garantir un niveau suffisant de vigilance démocratique ? N’est-il pas difficile de se renouveler afin d’offrir à notre commune une vision originale, audacieuse et créative ?
J’ose et me permets d’espérer que les plus conservateurs.trices échoueront, car ils.elles se trompent sur ce qu’il faut conserver: capitalisme, patriarcat, individualisme, compétition. Toutes ces choses qui sont à la base de notre société inégalitaire et de la crise écologique. Ce qu’il faut conserver, envers et contre tout, c’est la nature, la biodiversité, la solidarité, le sens du collectif, le vivant dont nous faisons intégralement partie. Et à Genappe commune rurale, peu dense, la biodiversité est à protéger, mais aussi à restaurer et à densifier. La solidarité est à stimuler. Et, au regard des inégalités grandissantes, le vivre dignement dès l’enfance est à repenser.
La force citoyenne est très étonnante aussi à Genappe, ainsi que le dynamisme sans faille et l’ancrage du tissu associatif. Ce qu’il faut c’est se projeter ensemble dans l’avenir, en commune autonome, solidaire, juste. A Genappe ni ailleurs il n’y a pas de fatalité politique. D’autres femmes et hommes, citoyens et politiques peuvent aussi gouverner notre commune, différemment que ceux.elles qui, ne sont pas arrivés à ce jour à lui permettre de rebondir, et à la mettre sur la voie de la transition. Genappe est tristement devenue une « belle endormie ».
Enfin, mon expérience a été dense, difficile parfois mais riche dans son ensemble et c’est une expérience que je recommande vivement. Je remercie les élus de toutes les forces politiques et ce compris de la majorité qui m’ont permis de me forger un caractère politique jusqu’au-boutiste. Je remercie tous mes électeurs.trices. Je remercie les citoyens, ceux qui m’ont soutenue comme ceux qui m’ont bousculée. Je tiens à remercier Ecolo et Ecolo Genappe, ma famille politique qui m’a fait confiance. Il est évident que j’assume bien sûr mon engagement comme conseillère communale jusqu’au bout de la présente législature. Et, qui sait, comme le virus de la politique est bien là, je ne fais peut-être qu’une relative pause de 6 ans.
Anne Beghin.