Cette fois, nous sommes allés à la rencontre de Marie Duran qui exploite avec son mari Nicolas la ferme Manneback-Duran, mieux connue sous le nom « Les cocottes en ribote », située le long de l’avenue des combattants à Bousval, au numéro 5.

Fille d’agriculteur, Marie Duran s’installe avec sa petite famille dans la ferme de son père brutalement décédé en 2017.

Après des études de diététique et un bref passage en entreprise, Marie décide de se former à l’agriculture. Nicolas fait de même. Ils s’inscrivent alors à des cours organisés par la FJA (Fédération des Jeunes Agriculteurs). Leur but est de reprendre la ferme. Cela fait plus de 50 ans que la famille de Marie exploite les terres environnantes. L’histoire se poursuivra donc mais avec la mise en place de projets innovants.

La ferme dispose de 68,5 Ha. Et des idées, des convictions et des souhaits d’ancrage local sont au programme !

Conversion bio

Leurs convictions bien accrochées, Marie et Nicolas commencent par convertir en bio une partie de leurs terres leur permettant de cultiver aujourd’hui en grandes cultures pois et maïs.

Ils cultivent aussi colza, froment et miscanthus (non bio), surtout sur des terres qu’ils louent (le risque est plus grand d’investir en bio si on n’est pas certain à 100% de pouvoir garder les terres).

Quelques-unes de leurs terres enfin sont réservées à des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) subsidiées par la PAC… Ces subsides les aident, mais ils évitent de compter dessus. En effet, si du jour au lendemain ces primes s’arrêtent, ils doivent toujours pouvoir vivre de leur métier. Et pour ce faire, la diversification s’impose. Les terres subsidiées pour les MAEC demandent moins de travail mais il n’y a pas de récolte. Ils sont liés à un cahier des charges et un contrat de 5 ans pendant lequel ils ne peuvent pas y faire de cultures commercialisables.

L’arrivée des poulaillers mobiles : Les cocottes en ribote naissent en 2019

En septembre 2019, la ferme s’équipe d’un premier poulailler mobile d’une capacité maximale de 245 poules (fabriqué en Allemagne).

Photo : L’intérieur d’un poulailler mobile

Au premier poulailler des cocottes succède rapidement le second en plein confinement.
Les poulaillers sont déplacés une fois par semaine sur cette prairie entièrement bio depuis janvier 2022.

Aujourd’hui ce sont en moyenne 360 œufs par jour que les jeunes producteurs écoulent au sein de leur magasin et dans quelques commerces du coin. Notons notamment la fromagerie « Le Chai et la souris » ou la boulangerie de Bousval « Les délices du Ravel ».
Et… lorsque, en été par exemple, l’ensemble des œufs ne sont pas écoulés ils servent alors à la fabrication de pâtes sèches.
Ils pourraient produire plus d’œufs, la demande est là, mais investir dans un troisième poulailler est trop dangereux pour le moment.

Les œufs des cocottes en ribote se valorisent par leur goût qui vient de la nourriture des poules et des conditions d’élevage : les pondeuses bénéficient d’espace, sont majoritairement en plein air, ne sont pas stressées.

Les difficultés

Les mesures d’hygiène de l’AFSCA sont nombreuses et contraignantes. Et elles ne semblent pas toujours justifiées. Les règles sont les mêmes pour les exploitations de 200 à 5000 poules ce qui n’est pourtant pas du tout la même chose. Il faut des sas d’hygiène, désinfection des bottes à chaque entrée dans le poulailler, changer de salopette pour chaque poulailler, maintenir un journal d’alimentation des poules, avoir un fût à cadavre, mettre un filet anti grippe aviaire (qui ne sert à rien), les boites à œufs ne peuvent pas être réutilisées,…

Tous les 18 mois, les poulaillers doivent être vidés pour être complètement nettoyés et désinfectés. Les poules sont alors remplacées.

L’augmentation des coûts devient problématique. Le coût des engrais a triplé ! Ceux de l’énergie explosent,… Il faut arriver à vendre à des prix de plus en plus élevés pour arriver à rentabiliser l’exploitation. Le froment doit être vendu à minimum 250 € la tonne par exemple. C’est le cas pour le moment à cause de la crise en Ukraine sauf que le froment bio est moins cher (pas de production en Ukraine…).

Ils aimeraient aussi avoir plus de terres mais c’est très difficile surtout avec l’explosion du prix des terres agricoles (plus de 100.000 € l’hectare !).

Le froment ou après les œufs…la farine.

Marie et Nicolas souhaitent aujourd’hui faire construire 4 silos de stockage pour stocker leurs céréales. Et un moulin pour fabriquer leur propre farine de froment.

Belle idée innovante pour notre région bien sûr ! Bousval aura bientôt sa propre farine… qui, nous n’en doutons pas, sera valorisée par l’un ou l’autre artisan. Et ce au profit des consommateurs et de l’environnement.

L’accueil d’une maraichère

Sur la prairie des cocottes, Marie et Nicolas accueillent depuis 2 ans une maraichère bio qui écoule aussi ses légumes en direct : La Clarotte sauvage.

Une dynamique responsable et durable

Marie et Nicolas veulent que leur ferme devienne complètement autonome.

Pour se faire connaitre ils apprécient des initiatives conviviales comme le marché des producteurs locaux organisé par la ville. Le fait que tout soit préparé par la ville et que les emplacements y sont gratuits sont des éléments extrêmement favorables au succès de ces marchés. Pour eux, avoir ce marché deux fois par an suffit. Plus serait difficile à assumer avec les obligations de la ferme.

L’idée d’une halle des producteurs locaux leur semble difficile. Il y a la problématique de la concurrence entre les producteurs qui pourrait générer des conflits. Et surtout le temps qui serait nécessaire pour y être présent. L’idée est toutefois intéressante car elle centralise les productions locales en un seul lieu qui pourrait être géré par un.e coordinateur.trice. Ils pensent qu’un recensement régulièrement actualisé des producteurs et artisans locaux doit être réalisé.

Marie et Nicolas sont désormais des producteurs locaux dynamiques et créatifs avec lesquels citoyens, riverains, agriculteurs et artisans devront compter encore bien longtemps et c’est tant mieux !

Anne Beghin et Bernard Löwenthal